jeudi 15 mai 2008

Ya quoi dans mon ADN ?

Deux personnes ont récemment eu la chance de voir leur génome séquencé.

La première a été Craig Venters, qui restera plus célèbre dans l'histoire de la science pour avoir voulu breveter le génome humain que pour son incroyable habilité aux fléchettes. C'est le Craig Venters Institute qui a permis cet exploit technique, ce qui révèle l'élan de modestie qui a précédé cet exploit.

La deuxième a été plus récemment James Watson, heureux lauréat du célèbre prix "What you did was wonderful" de l'académie des sciences de Stockholm, et auteur de récents propos sur l'Afrique que ne renierait pas le politicien borgne breton. Cette fois, ce n'est lui qui a lancé le projet, la modestie règne donc chez James Watson.

Donc, nous voilà avec deux génomes individuels, en plus du génome humain "officiel", celui publié en 2001 (et republié depuis), celui utilisé dans les études génomiques depuis 2001. La question que peut-être vous vous posez est à quoi ceci peut-il bien servir. Question intéressante qui mérite qu'on s'y attarde, tant les progrès dans ce domaine sont rapides.

Tout d'abord l'intérêt technique. Il est plus que limité. Aucune technique nouvelle n'a été inventée pour l'occasion, on a utilisé la bonne vielle méthode du shotgun pour Craig, du pyrosequençage pour James. Rien de révolutionnaire, si ce n'est le temps nécessaire limité, il y a un avantage dans ce cas.

L'intérêt biologique ensuite. Il n'est également pas, je pense, à la hauteur du projet. Il y a un intérêt à séquencer le génome de beaucoup de personnes car il permet de faire des études beaucoup plus précises sur le fonctionnement du génome ou son évolution. Mais le coût très élevé du projet rend quasiment impossible son application au grand public. À part être une légende vivante ou de débourser plusieurs millions de dollars, ce n'est pas demain la veille que votre génome sera publié au vu et au su de tout le monde. Dommage, je suis sûr d'avoir des belles séquences Alu.

L'intérêt de la manœuvre est plus large et un peu plus discutable.
Il s'agissait de plus ou moins rendre hommage à deux grand noms de la science... On peut vraiment en discuter, l'un a tout fait pour que votre propre génome ne vous appartienne plus, l'autre a dû démissionner après des propos que l'on peut qualifier de racistes sans crainte de procès en diffamation.
Il s'agit ensuite de développer le business du génome. Le génome de notre ami Craig a révélé pas mal de choses, notamment certaines prédispositions à des maladies cardiovasculaire. Le but est d'utiliser les données inscrites dans les génomes pour pouvoir mieux combattre certaines maladies. La belle affaire.

C'est le retour du saint Graal de "on va tout guérir avec ça", la seule carotte qui marche vraiment d'ailleurs. On l'avait déjà sortie pour séquencer un génome humain en 2001, on nous la ressort aujourd'hui. Le problème est le problème des gènes de prédisposition. Avoir une prédisposition ne veut pas dire tu vas crever comme une merde de ton cancer, ça veut juste dire qu'à environnement égal, c'est plus facile pour toi de choper des métastases.
L'environnement dirige une grande part de l'orchestre dans cette affaire, le facteur chance aussi. Un gène de prédisposition n'est qu'une donnée de l'histoire.

De plus, le prix exorbitant représente un frein à une utilisation humaniste et cause un décalage entre ceux qui peuvent et les autres. Mya Roche dans le périodique britannique Nature le présente très bien en renvoyant dos à dos les conséquences pour notre pote James et pour un quidam moyen.

Plus grave, les données génomiques peuvent être utilisées à des fins discutables, notamment les prédispositions qui peuvent êtres prises pour argent comptant. On est pas loin de dire Bienvenu à Gattaca.
Le séquençage personnel représente un business en pleine expansion. Ainsi ces compagnies américaines qui propose de détecter certaines prédispositions pour l'équivalent d'une semaine de salaire de banque française. À quand le gène de l'agressivité découvert chez N. S. ?

Reste que le séquençage personnel représente bien un intérêt pour la science, pour permettre des études plus précises sur l'évolution de l'Homme par exemple. Mais il faut imposer des barrières à ne pas franchir. On peut imaginer la non-publication des données, mais cela pose pas mal de problèmes. Il faut encore creuser la question.

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