vendredi 2 mai 2008

Quoi de neuf en sciences (3)

Après la bouffe qui influence le sexe d'un futur bébé, après les espèces qui arrivent à survivre sans sexe, voici venu le temps des molécules qui évoluent... toutes seules.

C'est la revue open source PloS Biology qui publie un article de deux chercheurs américains qui y décrivent l'expérience qu'ils ont imaginé. Cette expérience est assez intéressante, d'un strict point de vue scientifique et d'un point de vue curiosité.

Tout d'abord, un petit rappel sur ce qu'on appelle évolution darwinienne. On appelle ainsi l'évolution dans laquelle la sélection naturelle joue un rôle de premier plan, soit en éliminant les individus les moins adaptés (sélection purificatrice) ou en promouvant des changements dans les séquences (sélection positive).

Les scientifiques ont tout simplement fait évoluer de l'ARN (acide ribonucléique, petite cousine de l'ADN, qui contrairement à l'ADN peut influencer des réaction chimiques) dans des tubes. Comment ? En limitant les éléments chimiques utilisables pour les réactions et en faisant en sorte que certaines mutation dans les séquences d'ARN soient avantagées et sélectionnées.

Le résultat est assez flagrant : l'ARN évolue, plus précisément, il évolue vers une certaine optimisation des réactions chimiques.

Ces résultats ont peut-être l'air assez anodin, voir complètement abscons, mais ils sont en fait très intéressants.
Au delà de l'intérêt technique à faire évoluer des molécules quasi-inertes, qui peuvent promouvoir des réactions chimiques, qui plus est, ces expériences montrent que la sélection naturelle s'applique aux molécules inertes. L'ARN utilisé, même s'il vient d'un organisme à la base, n'est lié à aucun organisme dans l'expérience : ce n'est pas dans un organisme que l'ARN mute, mais directement dans le tube à essai. Ceci veut donc dire que des mécanismes de sélection naturelle ont pu être à l'œuvre sur des molécules telles qu'ARN ou protéines avant même que la vie ou les organismes vivants n'existent.

Ceci qui nous permet de lever un minuscule coin de voile sur le trou noir de connaissance qu'est l'apparition de la vie sur notre planète. On peut imaginer que des molécules types ARN et/ou protéines sont apparues par des mécanismes aléatoires, mais que ces molécules et leurs propriétés ont été avantagées par rapport à d'autres, avantage qui s'est manifesté dans des mécanismes de sélection darwinienne : les molécules les plus efficaces ont pu se dupliquer et, par le truchement de choses pas connues, donner naissance aux tous premiers organismes vivants de cette planète, qui eux-mêmes ont subi la sélection naturelle et ont donné l'ensemble des organismes vivants de cette planète.

On voit donc comment le processus de sélection naturelle peut agir sur des molécules "abiotiques" (sans vie) et comment cette sélection peut être rendue responsable de l'apparition graduelle de la vie sur la planète Terre.
Bien évidemment, tout ceci doit être pris avec des pincettes. Non pas que je veuille éviter de froisser les sentiments religieux de certains, mais plutôt tout ce que je viens de dire relève de l'hypothétique : on n'a quasiment aucune idée des conditions physiques de la Terre quand la vie est apparue, donc on ne saura jamais avec certitude comment la sélection naturelle a agit.

2 commentaires:

Emma a dit…

Hey!
Je tiens juste à te dire que tes billets sur la science sont tout à fait passionants, et je pense qu'ils sont aussi à la portée de tous, et c'est bien... continue so!

Yves Clément a dit…

Merci Emma, ça me touche beaucoup