vendredi 9 mai 2008

Quand le gène ne pense qu'à lui

Deuxième partie concernant les gens qui ont loupé à tort le prix Nobel. Je vous avais déjà parlé de Motoo Kimura et de son évolution neutre qui avait révolutionné la biologie. Aujourd'hui, on va parler d'une autre petite révolution de l'évolution avec le gène égoïste de Richard Dawkins.

Comme pour Kimura, replaçons nous dans le contexte. Nous sommes dans les années 70 cette fois, c'est à dire 10 ans plus tard que dans les années 60, mais la société a bien changé. On a légalisé la pilule et l'avortement (merci Simone). Les jeunes cons sont devenus majeurs plus tôt, ils le sont toujours. Les Beatles sont séparés mais Pink Floyd et sa face caché de la lune envahit le monde. Les drogues pleuvent, en même temps que les expériences de vie communautaires et alternatives dans le Larzac.

Kimura n'a pas encore eu le temps de révolutionner l'évolution avec l'évolution neutre, la sélection naturelle est donc toujours considérée comme au début du siècle, encore que certains choses sont sorties du lot, comme la sélection de groupe, par exemple. Toujours est-il que la sélection naturelle, pour les scientifiques de l'époque, agit en gros sur l'individu.

Sauf que, me direz-vous.

Sauf que le phénotype d'un individu, ses caractéristiques, dépend de son génotype, de l'information génétique contenue dans ses cellules. De plus, c'est cette information et aucune autre qui est transmise à la génération suivante lors de la reproduction, sexuée ou non.
Donc, toute modification de l'information génétique se traduit par un changement dans le phénotype, et la transmission de cette information modifiée à la génération suivante, pour peu que ces modifications aient affecté le génomes des cellules sexuelles (spermatozoïdes et ovules).
L'évolution dépend de la transmission de l'information génétique à la génération suivante. Donc si une modification dans l'information génétique a pour conséquence que cette transmission se fait moins bien (mutation qui fait que l'on produit moins de cellules sexuelles, par exemple), cette modification sera contre-sélectionnée : ceux qui la portent aurons moins de descendance et la modification sera de moins en moins présente dans la population.
Par conséquent, l'évolution agit sur l'information génétique.
L'information génétique est contenue dans le génome, sous la forme de gènes qui codent pour différentes chose, surtout des protéines. Donc l'évolution agit sur les gènes.

Tout ça est très joli, mais il y a une limite entre la sélection agit sur les gènes et la sélection agit uniquement sur les gènes. En fait, il y a une Grande Muraille de Chine avec un garde armé tous les 20 mètres entre la sélection agit sur les gènes et la sélection agit uniquement sur les gènes.

Et bien, l'explication est en partie contenue plus haut. Les gènes codent pour des protéines qui déterminent le phénotype de l'individu mais sont également tout ce que les parents transmettent toujours à leurs enfants. Donc la sélection naturelle agit uniquement sur ce qui est transmit, c'est à dire les gènes. Richard Dawkins a lancé le terme de gène égoïste dans le sens que le gène n'est "concerné" que par sa propre survie et sa propre transmission, pas la survie de l'individu qui le porte.

Ceci n'est pas allé sans conséquences, vous l'imaginez bien. Ce n'est peut-être qu'à la lumière de ses conséquences que l'on peut juger de la portée d'une découverte.

La conséquence principale a été la redéfinition de la notion et de la place de l'individu en biologie.
Avant, l'individu, l'organisme était le centre de tout, l'unité du vivant. Après, son "importance" a dû être revue fortement à la baisse. Ainsi, l'individu n'est plus qu'un vecteur de gène, un transporteur et transmetteur de gène. L'individu n'agit plus sur sa vie et son histoire, il subit ce que ses gènes lui disent de faire. Ça passe en biologie, moins bien dans d'autres domaines ou pour d'autres personnes qui acceptent mal de voir l'Homme devenir un vulgaire sac de gène. C'est compréhensible, mais le sac de gène a une réalité bien ancrée en biologie.

L'autre conséquence a été la possibilité d'expliquer des comportements qui jusque-là allaient plutôt à l'encontre de la sélection naturelle "historique". Ainsi les comportements d'altruisme ou de coopération, voire même certains parasitismes ont pu être expliqués par l'évolution.
Si la sélection opère au niveau de l'individu, on voit mal comment un individu qui sacrifie sa vie pour un autre membre de la population peut avoir un avantage évolutif à long terme. Ces comportements devrait être contre-sélectionnés et disparaitre. Certains parasites devraient aussi disparaitre. Quand un parasite provoque la mort de son hôte, il provoque sa propre mort.
Avec le gène égoïste, tout devient possible.
L'altruisme peut s'expliquer comme ceci. L'individu A aide l'individu B qui transmet ses gènes. Si l'individu A et l'individu B portent les mêmes gènes, alors ceux de A pourront être transmis. Donc l'altruisme n'est pas aider son prochain mais s'assurer que des gènes proches des nôtres soient transmis.
Idem pour les parasites. Si provoquer la mort de son hôte veut dire que la descendance du parasite soit mieux transmise, alors les gènes du parasite seront mieux transmis.

Il est vrai que la conséquence majeur a été la redéfinition de l'individu. Personnellement, cela ne me gène (hoho) guère d'être un sac de gène. D'abord parce que c'est ce que je suis biologiquement parlant, ensuite parce que cela ne m'empêche pas de vouloir faire pleins de truc dans ma vie.

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