lundi 10 mars 2008

Freedom for my people!

Je vais commencer ce message par des paroles de quelqu'un d'autre, Robert Oppenheimer en l'occurence, américain plus connu pour avoir dirigé le Projet Manhattan que pour sa recette du boeuf braisé.
Ce cher monsieur a donc déclaré il y a quelques années (c'est en anglais dans le texte) :
"The scientist is free, and must be free to ask any question, to doubt any assertion, to seek for any evidence, to correct any errors."
En français, ça donne quelque chose du genre :
"Le scientifique est libre, et doit être libre de poser n'importe quelle question, de douter de n'importe quelle assertion, de chercher n'importe quelle évidence, de corriger n'importe quelle erreur."
C'est une belle définition du métier de scientifique qu'il serait bon de rappeler par les temps qui courent. Car si le scientifique doit rester libre de toute influence extérieur, quel qu'elle soit, c'est tout simplement parce que seul le scientifique est à même d'aller au bout d'un problème scientifique, et surtout d'en trouver de nouveaux. Seul le scientifique a la culture, les connaissances et surtout l'imagination pour faire de la science, pour savoir ce qui est intéressant ou ce qui va l'être d'un point de vu scientifique.
Quand le Président dit qu'il faut revaloriser les sciences de la vie et y injecter de l'argent, je dis oui.
Quand il dit que la société doit diriger la science parce que la société finance la science, je dis non, et ce pour plusieurs raisons.

La première est exposée dans les lignes du dessus : le scientifique doit rester libre, c'est une condition non négociable à une recherche honnête et productive.

La deuxième est plutôt à raison pratique. Comment imaginer que la science soit pilotée et dirigée par des non-scientifiques, c'est à dire des gens qui n'ont pas les bagages nécessaires pour appréhender toutes les subtilités et toutes les implications scientifiques d'un projet. De plus, s'il est difficile de convaincre des non scientifiques qu'un projet est intéressant, il est encore plus dur d'expliquer à des non scientifiques une absence de résultats.

La dernière raison est financière (donc la plus à même de convaincre). Il a été décidé de se focaliser sur les projets de "recherche" appliquée, c'est à dire des projets pour lesquels tout le travail théorique a été fait et où il ne reste plus qu'à trouver des applications industrielles. La conséquence est que seuls seront financés des projets dans des domaines connus, ce qui implique que rien ne sera fait pour aller là où on ne connait rien. Cette recherche va marcher, mais pendant 5 à 10 ans maximum. Car va arriver le moment où tous les domaines connus auront été utilisés jusqu'à la dernière goutte. Et là, sans autre possibilité, la recherche se cassera littéralement la gueule.

Que la société ait son mot à dire sur la recherche, c'est évidement une bonne chose pour éviter certains abus. Que la société et les politiques dirigent seuls la recherche, c'est la mort de la recherche qui est garantie à moyen terme.

J'ai cité Robert Oppenheimer au début de ce message, au risque de provoquer certaines réactions, car ce monsieur est en partie responsable de la première bombe atomique, qui différencie véritablement l'Homme de la bête par sa capacité à s'auto-détruire au moins 40 fois et encore en avoir en réserve. Là je dirais que la bombe atomique n'a pas été une découverte scientifique mais l'application d'un bon nombre de découvertes, elles aussi scientifiques. Ce n'est pas parce que on a découvert la fission nucléaire que la bombe A a été fabriqué dans la foulée, il s'agit plus d'un contexte politique et militaire particulier. Le scientifique doit rester libre, mais il est bien évident qu'on ne peut pas faire joujou avec ses découvertes sans un minimum de précautions et de réflexion.

Sur ce, mes expériences sont sur le point de se terminer, je retourne au travail.

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